Publication de Jean-Guy Paradis
Voici le texte que l’abbé Jean-Guy Paradis vous propose comme méditation pour le dimanche 8 novembre 2020.
Nos lampes allumées et … la pandémie
Introduction
L’évangile de ce 32e dimanche de l’année A (Mt 25, 1-13), nous invite à tenir nos lampes allumées, à l’exemple des 5 jeunes filles prévoyantes qui avaient pris des flacons d’huile en réserve.
Le mot prévoyance signifie voir d’avance. C’est ce que font les chasseurs, de ce temps-ci : ils n’oublient pas l’huile pour les lampes (ou les batteries de rechange), surtout si le campement est installé loin des commodités.
L’époux attendu dont parle l’évangile, vous l’avez deviné, c’est Jésus. Il est lui-même en attente d’une relation intime, personnelle et fidèle, d’où l’emploi du mot alliance évoqué par le mot noce.
La foi, ce n’est pas seulement une adhésion intellectuelle au message, mais c’est se préparer à vivre une rencontre personnelle avec quelqu’un qui s’appelle Jésus-Christ.
Voyons d’une part l’invitation à faire provision; d’autre part, quand l’espérance s’éteint; puis la perspective de la vie éternelle. En guise de conclusion, nous nous demanderons : et la pandémie, dans tout cela?
D’une part, l’invitation à faire des provisions spirituelles
D’abord, il s’agit, somme toute, de tenir éveillée cette foi en nous, affirme von Baltazar [i]. À l’heure de la mort, l’homme doit avoir avec lui l’huile de sa disponibilité, il ne peut revenir encore une fois en arrière, pour aller se procurer quelque part cette disponibilité.[ii]
La Bonne Nouvelle aujourd’hui, et je dirais même la certitude, c’est que, selon l’Apôtre Paul (1 Th 4, 17), « tous ceux qui appartiennent au Christ seront avec lui toujours. »
Pour être avec lui, une consigne : être vigilant. Concrètement, Il s’agit de veiller pour l’heure du retour du Seigneur, de prier pour être toujours avec le Seigneur, comme le disait Paul dans la seconde lecture (1 Th 4, 13-18); pour être armé d’une sagesse, car elle est à la porte, on n’a qu’à la laisser entrer, comme l’affirmait le livre de la Sagesse dans la première lecture (6, 13).
Toujours prêts, affirme-t-on chez les scouts!
Vigilant dans la prière – sommes-nous capables d’un échange avec le Seigneur autre que la prière de demande?
Vigilant dans la solidarité – elle fait appel aux bonnes œuvres, en donnant de notre temps pour soutenir ceux qui ont besoin d’écoute.
La consigne : faire appel à sa propre responsabilité, non à l’huile des autres, mais avec les autres : réconfortez-vous les uns les autres, rappellera saint Paul (v. 14). Quelle parole adéquate en cette pandémie!
Suggestion : suite à cet enseignement, ne pas passer une journée sans rejoindre une personne qui a besoin d’une écoute, d’une étincelle de lumière.
D’autre part, quand l’espérance s’éteint…
Les jeunes filles insouciantes ne sont pas de mauvaises personnes, à preuve, elles vont à la recherche de l’époux, Jésus. Elles étaient pleines de bonnes intentions, elles écoutaient sa parole, mais, à travers cette parole de vie, elles n’ont jamais rencontré la vraie personne de Jésus. L’Évangile ne remplit pas leur vie…
Elles crient : «Seigneur, Seigneur …». Jésus répond comme il l’avait fait pour les pharisiens : «ce n’est pas en disant Seigneur, Seigneur, qu’on entrera dans le royaume de cieux, mais c’est en faisant la volonté de mon Père qui est aux cieux (Mt 7, 21).
Voilà une image frappante des croyants peu sensés.
Dans sa dernière lettre encyclique Fratelli Tutti, la fraternité et l’amitié sociale, notre pape affirme : «La tempête démasque notre vulnérabilité et révèle ses sécurités, fausses et superflues avec lesquelles nous avons construit nos … priorités… . À la faveur de la tempête est tombé le maquillage des stéréotypes avec lesquels nous cachions nos ego toujours préoccupés de leur image…»[iii]
De son côté, Jésus n’utilisera pas un langage moral. Il en vient à nous laisser constater qu’il n’y a rien de plus triste qu’une personne qui se perçoit comme terminée, qui a perdu le sens de la fraternité(33), insouciante de vivre intensément et de façon durable, complètement aveuglée par le souci progressif du bien-être. ElIe oublie que Jésus invite à une vision de vie éternelle. Saint Paul inviterait à agir ferme, comme si on voyait l’invisible (Hébr. 11, 27).
Dans perspective de la vie éternelle
Un des plus beau cadeau que nous a laissé l’Assemblée des Évêques, c’est cette petite brochure malheureusement passée trop vite aux oubliettes Jésus, chemin d’humanisation.
«Je suis venu pour qu’ils aient la vie» répète saint Jean (10,10).
Voilà l’enseignement à marteler à nos jeunes dont les parents sont souvent restés figés dans le chloroforme de l’habitude qui sclérose.
Une invitation pour le chrétien à s’efforcer d’appartenir au Christ, de veiller et d’être prêt pour l’arrivée du Jour du Seigneur (Actes 2, 20). Le contraire nous met devant les yeux cet avant-dernier verset terrible de l’évangile de ce jour : «Je ne vous connais pas» (v. 12). Ça nous semble surprenant de la part d’un Dieu miséricordieux. Deux fois, Jésus emploie cette même formule « Je ne vous connais pas.» C’est un constat triste… vous n’êtes pas encore prêts pour le Royaume, … vous n’êtes pas en communion avec moi.[iv]
Si je n’ai pas fréquenté le Seigneur durant ma vie, comment pourra-t-il me reconnaître?
Conclusion
Si notre réflexion hebdomadaire doit s’incarner dans notre quotidien, pourquoi ne le serait-elle pas dans cette période inhabituelle que nous traversons ? Reprendre une homélie d’il y a 3 ans sans plus serait vivre dans un monde à part.
Je lisais dernièrement au bréviaire : «Arrêtez-vous sur la route pour faire le point, renseignez-vous sur les sentiers traditionnels.»
Où est la route du vrai bonheur? Alors suivez-la et vous trouverez où vous refaire. (Jr 6, 16a).
Nous vivons des moments critiques. Alors que certains s’endorment dans une vie éteinte, nous avons comme mission d’être éveillés et porteurs d’une lampe alimentée de l’huile de l’espérance. Quelle est-elle cette huile, sinon la ferveur, les bonnes œuvres, une attention aux plus faibles?
Nous ne pouvons pas terminer notre célébration dominicale sans sortir avec des résolutions concrètes pour soutenir les plus faibles – comme je l’ai déjà mentionné… mais il est bon de le répéter.
Notre pape François le rappelle ces jours-ci dans sa lettre encyclique Fratelli tuti :
Personne ne se sauve tout seul, […] il n’est possible de se sauver qu’ensemble. [v]
Le chrétien se doit d’adopter une attitude d’espérance en se demandant « qu’est-ce que Dieu veut nous enseigner de positif par ces dérèglements de toutes sortes » : épidémie, changements climatiques, etc.
Plaise au ciel , souhaite notre pape François (35), que tant de souffrance ne soit pas inutile, que nous fassions un pas vers un nouveau mode de vie…
Une réflexion chrétienne en famille pourrait aider à réaliser le souhait de saint Paul (Réconfortez-vous les uns les autres), toujours d’actualité.
Texte écrit par Jean-Guy Paradis, prêtre
[i] Von Baltazar, Commentaires des lectures dominicales, Ed. culture et vérité … p. 139
[ii] Idem p. 140
[iii] Idem no 32.
[iv] Marie Noël Thabut A.2, p.443.
[v] Lettre encyclique sur la fraternité et l’amitié sociale. Médiapaul, 2020, 216 pages, no32